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mardi 19 janvier 2010

DES DURIANS POUR NOEL

Pour Elsa, en souvenir de sa dernière visite...



Le mois de décembre est de retour ; tandis que le mercure de mon thermomètre mural paresse entre 32 et 35 degrés, me voici debout, au milieu du champ de piments rouges de mon voisin. Je suis ici pour prendre un Durio zibethinus (un arbre à durian) en photo. A droite de mon trépied, se tient Ah Chai, le propriétaire du champ. Il se gratte le cuir chevelu sans pourtant se défaire de son air perplexe face à son arbre gigantesque qui le déçoit franchement pour avoir produit si peu de fruits. « La saison est mauvaise » se plaint-il, ce qui me rappelle que la saison précédente, il y a six mois de cela, n’avait pas était meilleure. Perturbations climatiques?

J’ai rarement l’occasion de parler à mes voisins ; tous sont cultivateurs et notre famille est de souche urbaine venue se ressourcer en zone rurale. Nous commutons en voiture sur le chemin de campagne qui relie Koko Wangi (notre maison) à la route nationale qui mène de Kuching à la ville de Serian. Nous agitons la main pour saluer, nous cédons le passage aux motocyclistes chargés de paniers vides ou pleins selon qu’ils se rendent à leur terrain ou qu’ils en reviennent, mais nous nous arrêtons rarement. Le seul voisin avec qui nous nous sommes liés s’appelle Ah Peck. A dire vrai, AH Peck est son surnom en dialecte chinois local qui se traduit « grand père » ou encore « vieil homme ». Il ne nous a jamais donné son nom ; en fait il a l’air ravi que nous l’appelions « Ah Peck ». Lui et sa famille sont les seuls paysans alentours qui vivent à plein temps sur leur petite exploitation de légumes et agrumes, les autres sont tous des journaliers ou même des occasionnels. Le hasard faisant bien les choses, ce matin alors que je me déplace à pied, le chemin déborde d’activité, ce qui me permet de faire des rencontres. Trois autres hommes viennent se joindre à Ah Chai, tous curieux de me voir m’installer avec mon matériel photo. Je savoure l’instant, un moment extraordinaire dû, je le sens, au pouvoir légendaire du durian qui celui d’attirer et de réunir les gens ; et c’est exactement ce qui est en train de se passer, au beau milieu de ce champ de piments où deux chinois hakkas et un bidayuh se retrouvent à parler durian avec une française !

Le charme envoutant du durian opère à travers l’Asie méridionale, en Indonésie, aux Philippines, en Thaïlande et en Malaisie. A ma connaissance, aucun autre fruit ne possède ce pouvoir d’encourager la convivialité. L’ananas, un régime de bananes ou même un jaquier n’ont jamais causé tant d’intérêt qu’un durian. Peu importe sa nature épineuse (« duri » en malais signifie « épine »), le durian crée des liens, tout au moins entre locaux. Cela dit et de façon générale, partager un durian avec une personne non-asiatique et non-avertie, peut mettre une amitié chère en danger et même la ruiner à vie. On à beau remarquer le nombre grandissant de connaisseurs de durians d’origine caucasienne, le goût pour sa pulpe onctueuse enrobée autour de grosses graines que l’on trouve logées dans les compartiments intérieurs de sa coque, la plupart des européens en particulier réagissent en partant en courant, ou encore, comme c’est arrivé à mon amie Elsa, en plongeant tête première dans la rivière !

C’est vrai que le durian met parfois les amitiés Est-Ouest à l’épreuve, mais au Sarawak comme partout ailleurs dans cette partie du monde, c’est un fruit diplomatique qui a été élu KING of FRUITS, Roi des Fruits, à l’unanimité non seulement interethnique, mais aussi interreligieuse et par les deux sexes. Invitez quelques amis à partir chercher des durians dans un kampung (village) perdu et vous vous retrouverez rapidement meneur de caravane !

Les durians sont aussi bons pour les affaires ce qui explique la présence de nombreux étals dressés de manière impromptue, en bord de route. Ces étalages de fortune exercent une tentation quasi irrésistible sur les conducteurs qui manquent rarement de s’arrêter à un point ou un autre pour se dévouer au « rituel du durian » : choisir quelques fruits, les renifler un par un avec gusto comme un expert français le ferait avec une truffe ; les agiter près de l’oreille comme des maracas, à l’écoute du bruit étouffé que produisent contre la coque les graines mures à point. Les amateurs aiment aussi échanger des commentaires informés sur la meilleure technique de choisir un bon durian (pas avant, bien sûr, d’avoir fait leur choix) pour enfin conclure un moment si agréable en marchandant le prix avec le vendeur.




Vendeuse de durians et de rambutans
On commence jeune

Si ce n’est pour son apparence que je trouve fascinante, j’ai longtemps ressenti une horreur inconditionnelle pour le durian, son goût et son odeur ; puis sans que je m’en sois même rendue compte, mon nez s’est accoutumé à ce que j’avais d’abord perçu comme odeur d’enfer, jusqu'à ce que j’en vienne à reconnaitre les effluves désormais familières comme le signal de l’arrivée d’amis qui viennent passer un bon moment à partager un fruit que j’apprécie désormais. J’avoue toute fois avoir une préférence pour les durians à la pulpe orange plutôt que blanchâtre. Je suis délicate.

Le durian a la particularité d’être extrêmement nourrissant ; c’est un véritable réceptacle pour vitamines et minéraux, ce qui le place en favori sur la liste des mets les plus recherchés de la jungle, par les animaux aussi bien que par les hommes qui doivent faire face à la compétition en passant des jours et des nuits entiers sous l’arbre en attendant que les fruits tombent enfin et un par un. Je me souviens d’une légende iban qui relatait l’enlèvement d’une jeune infortunée par un orangutan amoureux qui avait pris l’habitude de roder autour de la longhouse. Le succès du sauvetage de la jeune femme avait été dû au seul fait que le grand singe s’était laissé distraire par quelques durians qui étaient tombés au sol et qui l’avaient retardé juste assez longtemps pour permettre à sa dulcinée de courir jusqu'à la pirogue de ses sauveteurs.

Le roi des fruits n’est pas sans danger; même si, comme l’assurent les gens du pays, les durians ne tombent jamais, absolument jamais, sur la tête de ceux qui s’endorment au pied de l’arbre en attendant que le fruit tombe enfin de sa branche, la pulpe, une fois ingérée, réagit toutefois très mal à l’alcool. Avis!

Les durians de mon voisin

C’est vrai que Noël approche; dans le midi de la France mon frère ainé et sa famille se régalent sans doute déjà de clémentines de Corse, toutes mignonnes et parfumées, tandis qu’ici je suis prête à parier avec mon mari que le durian à pulpe orange qui est tombé de l’un de nos arbres pendant la nuit dernière, un spécimen qui mesure prés de 30cm de long et qui pèse plus de 2 kilos et demi, doit avoir la saveur du Roi des Fruits idéal ; et demain matin, je repartirai à nouveau sur le petit chemin, pour en discuter avec Ah Chai et sans doute avec quelques autres voisins.

Bonnes fêtes à tous!



Some useful information was gathered from “Durian - How to Choose and Open a Durian” from Dennis Sim, former About.com Guide http://southeastasianfood.about.com/od/malaysianfruits/ss/ChooseOpDurian_9.htm